• Depuis maintenant 40.000 ans, notre planète n'est plus parcourue que par une seule espèce humaine, Homo sapiens, qui apparait génétiquement et anatomiquement très homogène.

     

    6 - L'émergence des Homo sapiens en AfriqueLes humains actuels (on parle d'Hommes Anatomiquement Modernes) ont une boite crânienne de forme arrondie, de profil globulaire, sous laquelle la face se situe en retrait.

    Cette face raccourcie est placée sous un front arrondi et vertical généralement sans reliefs marqués. Les parois latérales du crâne sont aplaties et redressées et sa partie postérieure est arrondie sans projection vers l'arrière.

    La mandibule a une forme unique avec un menton osseux variablement projeté vers l'avant.

     

     

    En remontant dans le temps, les fossiles retrouvés correspondent à des populations de sapiens apparentées aux populations actuelles, avec sans doute la même variabilité de caractères, mais qui présentent aussi avec elles des différences anatomiques notables.

    Ainsi le terme "d'hommes anatomiquement modernes" n'est pas superposable à celui de sapiens, mais ne représente que les formes terminales et mal délimitées des sapiens.(1)

     

    L'émergence et la dispersion des Homo sapiens est un sujet d'étude en évolution constante. Une des difficultés rencontrées provient du très faible nombre de spécimens exploitables et correctement datés pour cette période.

    Cependant, depuis les années 90, le consensus sur l'évolution humaine a basculé d'une origine et évolution multirégionale(1) à une origine unique africaine des hommes modernes et au remplacement de toutes les populations archaïques préexistantes, avec une expansion vers L'Asie et l'Europe depuis le nord-est de l'Afrique vers -60.000 ans (Out of Africa).

    Actuellement, cette dernière théorie se trouve quelque peu modifiée par les résultats des études génétiques et des dernières découvertes archéologiques.

     

    Les origines africaines de sapiens

    Les fondements de l'origine africaine des sapiens reposent d'abord sur le fait que les plus anciennes formes proches des sapiens ont été découvertes dès les années 70 en Afrique de l'Est (-200.000 ans), puis plus récemment en Afrique du Sud  et au Maroc (-300.000 ans).

    Ceci a été ensuite confirmé par la génétique:

    • d'une part l'étude des génomes actuels montre que la diversité génétique des populations décroit avec la distance depuis le continent africain, phénomène qui correspond à la succession d'effets fondateurs et perte de diversité génétique, qui résultent des migrations.(1) (Prugnolle 2005)

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

    • d'autre part l'étude des ADN mitochondriaux (hérités des femmes) montre que les branches africaines sont les plus anciennes, de même pour les ADN du chromosome Y (transmis par les hommes) (2).

    6 - L'émergence des Homo sapiens en Afrique

             Arbre simplifié des principaux haplotypes mitochondriaux des populations actuelles.                                         Les lignées initiales, les plus anciennes sont africaines (fond orange), toutes les autres dérivent de l'haplotype L3. (d'après Hublin 2020)

                                           

    De plus, malgré une grande diversité d'un continent à l'autre en relation avec différents climats et environnements, les H.sapiens actuels sont remarquablement homogène d'un point de vue génétique et anatomique. Cela résulte de l'origine commune de tous les hommes actuels.

     

    Le problème de l'ancêtre commun

    La grande diversification des formes récentes d'hominines au Pléistocène moyen (voir précédemment) contraste avec le fait qu'il n'en reste plus qu'une seule actuellement, la notre, Homo sapiens.

    Selon la théorie classique actuelle, parmi celles-ci, il y aurait un ancêtre commun africain à grand cerveau, mais qui conservait des caractéristiques primitives, en Afrique et en Eurasie, (H Heidelbergensis / rhodesiensis),

    à l'origine de 2 branches, l'une africaine (H. sapiens), l'autre eurasiatique (H. Neandertal à l'ouest, Dénisova à l'est)

    et à coté des formes à plus petit cerveau (H. erectus et florensensis) persistantes en Asie et les îles.

     

    L'émergence des" Hommes Anatomiquement Modernes"

     

    Cependant avec la découverte et la datation récente à 300.000 ans des fossiles de Jebel Irhoud reconnus comme des formes anciennes de sapiens, il apparait que ceux-ci se rapprochent peu des heidelbergensis/rhodesiensis qui seraient plutôt les ancêtres des seuls Néandertaliens/Dénisoviens.

     

    L'émergence des" Hommes Anatomiquement Modernes"

     

     

    L'émergence des Homo sapiens à la fin du Pléistocène moyen (MIS8 MIS7 - 350/-171 ka)

     

    1) JEBEL IRHOUD (Maroc): Ce sont actuellement les plus anciens restes attribués à des Homo sapiens (3) et ils ont été récemment bien datés à 315.000 ans (4).

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

     

    En 1960, avait eu lieu les premières découvertes d'un crâne presque complet (Irhoud 1) puis la mise à jour d'une boîte crânienne (Irhoud 2), d'une mandibule (Irhoud 3) et de plusieurs fragments osseux, associés à d'abondants restes d'animaux du Pléistocène Moyen, mais dont l'interprétation restait compliquée du fait de l'incertitude sur leur âge: entre 40 et 160.000 ans.

     

     

     

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"A  partir de 2004, Jean-Jacques Hublin et Abdelouahed Ben-Ncer ont effectué de nouvelles fouilles qui ont conduit à la découverte de nouveaux fossiles humains, dont un crâne humain fragmentaire (Irhoud 10), une mandibule (Irhoud 11), et différents restes osseux qui viennent de la couche inférieure du dépôt archéologique.

    Cette couche contenait les restes d'au moins cinq individus différents. Elle a été datée par thermoluminescence à partir d'outils brulés de silex, à environ 315.000 ans. (4)

     

    Ils présentent une plus grande robustesse par rapport aux populations actuelles, mais aussi des affinités avec les formes plus tardives de sapiens d'Afrique de l'est et du Levant (5).

     

    Comparées aux faces des Néandertaliens ou d'autres espèces archaïques du Pléistocène Moyen, les faces des hommes modernes présentent de nombreuses différences comme le montre l'Analyse en Composantes Principales ci-dessous dans laquelle les Homo sapiens sont en bleu et noir, les Néandertaliens en rouge et les formes archaïques en orange:

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

    La figure ci-dessus montre que les fossiles de Jebel Irhoud (étoiles roses) se situent tous dans les variations d'Homo sapiens.

    A l'inverse, la forme de la boîte crânienne des fossiles de Jebel Irhoud présente des caractères archaïques comme le montre l'Analyse en Composantes Principales ci-dessous:

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

    Ils se situent entre les Néandertaliens et les Homo erectus. De manière intéressante, Omo Kibish 2 se situe entre Irhoud 1 et Irhoud 2. La flèche noire ci-dessus indique l'évolution de la boîte crânienne entre les formes anciennes d'Homo sapiens et les formes modernes.

    Les fossiles de Jebel Irhoud représentent ainsi les premières preuves bien datées de l'existence d'une phase ancienne de l'évolution d'Homo sapiens en Afrique.

    L'évolution d'Homo sapiens semble impliquer l'ensemble du continent Africain. La face a d'abord évolué, suivie plus tard par la boîte crânienne, comme pour les Néandertaliens en Europe.

     

    Ces résultats sont également à rapprocher de la découverte d'une branche ancienne dans l'arbre phylogénétique du chromosome Y (clade A00) qui aurait divergé du reste de l'arbre il y a environ 275.000 ans, et des résultats récents d'ADN ancien en Afrique du Sud qui indiquent une date de divergence de plus de 265.000 entre les chasseurs-cueilleurs d'Afrique du Sud et les autres populations Africaines (2).

     

    Rappelons que ces humains de Jebel Irhoud sont contemporains sur le continent Africain, d'autres humains  comme Kabwe en Zambie, ou Ndutu en Tanzanie,  qui paraissent plus primitifs (6).

     

    Un certain nombre de spécimens un peu plus archaïques sont cependant considérés également par certains comme des pré-sapiens:

    2) Le crâne partiel de FLORISBAD découvert en 1932 en Afrique du Sud, daté depuis 1996 à 259.000 ans (8).

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

    3) les fragments de crâne et de fémur de GUOMDE (ER3884 & ER999) découverts en 1971 et 76 au Kenya, datés depuis 1997 à 270/300.000 ans (9)

     

    4) Le crâne d'ELIYE SPRINGS (ES11693) découvert au Kenya près du lac Turkana en 1983, daté de façon assez incertaine à 200/300.000 ans (10)

     L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

    5) Les crânes d'HERTO (BOU-VP16/1) découverts en 1997 en Éthiopie(11), daté depuis 2022 à 233.000 ans(12). (Au départ, dénommé Homo sapiens idaltu)

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

    6) Le crâne partiel de NGALOBA  (LH18) découvert en 1930 à Laetoli en Tanzanie(13), est daté très approximativement de la fin du Pléistocène moyen (?200.000 ans)

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

    7) Les crânes d'OMO-KIBISH (Omo1 & Omo2) découvert en 1967 en Ethiopie(14) ont été datés à 200.000 ans(15) en 2008 et 233.000 ans en 2022(12).

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

     

    L'ensemble de ces spécimens apparaissent dispersés en Afrique:

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

     

     De plus, selon Stringer et Wood, il est possible qu'il y ait eu une variabilité phénotypique au sein de ces premiers sapiens entre toutes ces différents régions assez distantes, et qu'il a eu une transition multi-régionale vers les formes modernes. (6)(16)

     

    L'émergence des "Hommes Anatomiquement Modernes"

     

     Après Jebel Irhoud et les spécimens archaïques, il y a un vide d'environ 100.000 ans  en ce qui concerne les spécimens modernes.

    En Afrique du Sud, les premiers Hommes Anatomiquement Modernes (HAM) apparaissent vers -120.000 ans dans les sites de Blind River, Border Cave, Pinnach Point et Klassies River Mouth.

     

     

     Sources & notes

    (1) Hublin J.J (2020) "Origine et expansion d'Homo sapiens" Bull Acad. Nat. de Médecine; vol 204 3, pp268-276

    (1) Wolpoff, M. H., & al (1994) " Origins of Anatomically Modern Humans" (eds. Nitecki, M. H. & Nitecki, D. V.) 175–199 (Plenum Press, New York, 1994)
    (1) Bräuer, G. (2008) "The origin of modern anatomy: by speciation or intraspecific evolution?"  Evol. Anthr. 17, 22–37 (2008)

    (2) Prugnolle F. & al (2005) "Geography predicts neutral genetic diversity of human populations" Curr Biol. 2005 Mar 8;15(5):R159-60

    (2) Schlebusch Carina M. & al (2017) "Ancient genomes from southern Africa pushes modern human divergence beyond 260,000 years ago" bioRxiv 145409; doi: https://doi.org/10.1101/145409

    (2) Mendez F.L. (2013) "An African American Paternal Lineage Adds an Extremely Ancient Root to the Human Y Chromosome Phylogenetic Tree" Am J Hum Genet. 2013 Mar 7;92(3):454-9.

    (3) Hublin, J., & al. (2017). ‘New fossils from Jebel Irhoud, Morocco and the pan-African origin of Homo sapiens’. Nature,546(7657), 289-292. doi:10.1038/nature 22336

    (4)  Richter, D., & al (2017). ‘The age of the hominin fossils from Jebel Irhoud, Morocco, and the origins of the Middle Stone Age’. Nature,546(7657), 293-296. doi:10.1038/nature 22335

    (5) Klein, R. (2008). ‘Out of Africa and the evolution of human behavior’. Evolutionary Anthropology: Issues, News, and Reviews, 17(6), pp.267-281.

    (6) Stringer, C. (2016). ‘The origin and evolution of Homo sapiens’. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 371(1698), p.20150237

    (8) Grün, R. et al. (1996) "Direct dating of Florisbad hominid." Nature 382, 500–501

    (9) Bräuer, G., & al (1997) "Modern human origins backdated" Nature 386, 337–338 (1997).

    (10) Bräuer, G. & Leakey, R. (1986) "The ES-11693 cranium from Eliye Springs, West Turkana, Kenya". J. Hum. Evol. 15, 289–312 (1986).

    (11) White TD, & al.(2003) " Pleistocene Homo sapiens from Middle Awash, Ethiopia." Nature 426, 742–747. (doi:10.1038/nature01669

    (12) Vidal C. & al (2022) " Age of the oldest known Homo sapiens from eastern Africa" Nature, vol601, 2022.

    (13) Day, M., & al. (1980) "A new hominid fossil skull (L.H. 18) from the Ngaloba Beds, Laetoli, northern Tanzania". Nature 284, 55–56

    (14) Day, M. H. (1969) "Early Homo sapiens remains from the Omo River region of south-west Ethiopia: Omo human skeletal remains". Nature 222, 1135–1138

    (15) McDougall, I. & al. (2008) J. G." Sapropels and the age of hominins Omo I and II, Kibish, Ethiopia". J. Hum. Evol. 55, 409–420

    (16) Wood, B. & K. Boyle, E. (2016). ‘Hominin taxic diversity: Fact or fantasy?’ American Journal of Physical Anthropology, 159, pp.37-78.

    (17) Dusseldorp, G., & al. (2013). ‘Pleistocene Homo and the updated Stone Age sequence of South Africa’. South African Journal of Science, 109(5/6), pp.1-7.

     (18) Rightmire GP, Deacon HJ. (2001) "New human teeth from Middle Stone Age deposits at Klasies River, South Africa." J Hum Evol. 2001; 41:535–544.

    (19) Grine FE, Klein RG.(1993) " Late Pleistocene human remains from the Sea Harvest site, Saldanha Bay, South Africa" . S Afr J Sci. 1993;98:145–152. 

    Lombard M, & al. (2012) "South African and Lesotho Stone Age sequence updated." S Afr Archaeol Bull. 2012; 67:123–144.


    LH18 Day MH, Leakey MD, Magori C. 1980 New hominid


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  • La fin du Pléistocène est une période d'environ 100 000 ans à compter de l'interglaciaire MIS 5 (-126 000 ans).

    C'est à peu près à cette période que les plus anciennes formes considérées comme proches de «l'homme anatomiquement moderne» sont connues en Afrique de l’Est, en Afrique du Sud et au Moyen-Orient après 160 000 ans avant le présent, avec des faces modernes mais des crânes encore quelque peu archaïques.

     

    La distinction entre les sapiens, hommes "anatomiquement modernes" et les hommes dits "archaïques" est en fait assez floue puisqu'il n'y a pas de prototype clair d'Homo sapiens.

    La définition du morphotype de l’espèce a donné lieu à de nombreuses discussions, notamment en raison de la grande variabilité des populations actuelles.

    Les caractères anatomiques proposés par C. Stringer et al en 1984 (1) étaient les suivants :

    - une rétraction de la face, plate et courte, sous une cavité encéphalique plus globulaire .

    - un occipital arrondi  et une concavité infra-orbitaire.

    - un relief sus-orbitaire discontinu et peu proéminent.

    - une réduction de la denture et une microstructure de l'émail dentaire particulière (2)

    - une mandibule réduite avec un menton marqué.

    - un squelette post-crânial gracile (thorax et bassin étroits)

     

    Les Homo sapiens de la fin du Pléistocène d'Afrique

                  

    6- Homo sapiens et 2ème expansion hors d'Afrique1) la calotte crânienne de Singa au Soudan.  découverte en 1924 au sud de Khartoum (5)

    Le crâne globuleux est daté de 135.000 ans (6) mais présente des anomalies/malformations anatomiques qui perturbent son interprétation.

     

     

     

     

    6- Homo sapiens et 2ème expansion hors d'Afrique2) le crâne de Ngaloba en Tanzanie (LH18). découvert en 1976 à Laetoli.

    Daté en 1980 de 120.000 ans +/- 30 ka (7)

    La face est courte plate et moderne, mais le crâne est allongé et le front fuyant. Volume 1200 cm3

     

     

     

     

    6- Homo sapiens et 2ème expansion hors d'Afrique

     

    3) les mandibules de Klasies River Mouth en Afrique du Sud.
    découvertes en 1967/68 associées à de l'outillage MSA.

    Différents ossements, dont une mandibule (KRM 41815) présentant un menton bien marqué, datés de 80-120.000 ans.(8)

     

     

     

     

     

     

     

    6- Homo sapiens et 2ème expansion hors d'Afrique4) le crâne de Border Cave en Afrique du Sud.

    Des restes humains anatomiquement modernes y ont été découverts en 1940-42 (9) accompagné d'un outillage "Middle Stone Age". En particulier une mandibule (BC5) qui présente un menton bien marqué.

    La datation de 80.000 ans du crâne reconstitué (BC1)  est assez incertaine.(10) La mandibule est datée de 50 à 65.000 ans.

                                                                                                                                      assemblage BC1 et BC5

     

     

    Premiers Sapiens au Proche-Orient:

     

    Malgré la présence précoce de sapiens confirmée en Afrique bien avant 100.000 ans, il n'y avait pas de preuve jusqu'à récemment de mouvement de dispersion hors d'Afrique des Sapiens avant 60.000 ans (MIS 4/3). Ceci était confirmé par l'étude des ADN mitochondriaux qui indique la divergence et l'effet d'entonnoir subit par les lignées non africaines vers 85-65.000 ans (Oppenheimer 2012, Henn 2012).

    En fait il y a une très large fenêtre temporelle pendant laquelle les sapiens ont pu quitter l'Afrique à l'occasion de conditions climatiques et géographiques favorables (déserts verts pendant MIS 7 et MIS 5 Boivin 2013).

     

    Des Homo sapiens archaïques vivaient déjà au Levant il y a 200.000 ans (demi maxillaire de Mislya), voire bien plus tôt, peut être dès 300.000 ans, comme le suggèrent d'autres restes mis au jour récemment en Israël:

    La demie mâchoire de Misliya en Israël.

    6- Homo sapiens et 2ème expansion hors d'Afrique 

     

    La plus ancienne présence connue d'un Sapiens hors d'Afrique consiste actuellement en la demie mandibule de MISLIYA Cave, découverte en 2002 sur le Mont Carmel en Israël et publiée en 2018(14):

    L'anatomie est moderne et datée de 177.000 ans (MIS6) (Bae 2017a

     

     

     

     

    7- Fin du Pléistocène (-126 ka) :  Les Hommes Anatomiquement Modernes en AfriqueLes fossiles des grottes de Qesem et de Zuttiyeh en Israël:

     Grotte de Qesem : Huit dents humaines isolées y ont été découvertes en  2000 dans différentes couches datées de 380.000 à 200.000 ans et associées à des bifaces acheuléens. L'attribution de ces dents à des Néandertaliens ou des Sapiens archaïques n'est pas tranchée.

    Grotte de Zuttiyeh en Galilée: Un crâne partiel y a été découvert en 1925, dont la datation est incertaine, attribué à une couche de l'acheuléen-yabroudien située entre 350 et 200.000 ans avant le présent.

    Ce crâne de "l'homme de Galilée" a d'abord été identifié comme un Homo Heidelbergensis par certains, mais possiblement comme un Sapiens archaïques pour d'autres.

     

    Il semble que des incursions au sud de l'Europe auraient pu se produire à l'occasion d'épisodes d’extension transitoires du climat chaud: ainsi l'un des crânes retrouvés en Grèce pourrait être celui d'un Sapiens archaïque:

    le fragment de crâne d'Apidima en Grèce.

    Un des deux crânes découverts dans une grotte du Peloponèse en 1978 a été récemment réexaminé: bien que partiel, la forme arrondie de l'arrière de la calotte crânienne le placerait comme un des premiers sapiens en Europe, daté  de 210.000 ans (15) .

    Le second crâne plus complet est attribué à un Néandertalien de 170.000 ans.

     

     Il y a environ 100.000 ans, des groupes de Sapiens archaïques ont laissé des sites et des fossiles bien conservés au Levant, et ne s'y sont cantonnés alors qu'à cause du climat chaud.

     

    Les hommes de Qafzeh en Israël.

    Les fouilles de la grotte en 1934 et 1965/79 ont livré les restes de 27 individus dont 8 squelettes reconnus comme des humains anatomiquement modernes(11), datés de 115.000 à 92.000 ans selon les techniques (12), tous déposés dans des tombes. L'outillage qui les accompagne est de type moustérien.

    6- Homo sapiens et 2ème expansion hors d'Afrique

                                                                                                    Qafzeh 11 et Qafzeh 9

    Pour la première fois à cette époque, il a été trouvé une sépulture double d'une femme et d'un enfant, atteint d'une malformation des os du crâne.

     

    6- Homo sapiens et 2ème expansion hors d'AfriqueLes hommes de Skhul en Israël.

    En 1928, les fouilles de la grotte d'Es Skhul sur le Mont Carmel mettent au jour les restes de 7 adultes et 3 enfants dans les plus anciennes sépultures connues.

    Il s'agit d'hommes anatomiquement modernes (bien que les arcades sourcilières soient un peu fortes) dont l'âge serait de 80 à 115.000 ans (13)

                                                                                                                 Skhul V

     

     

     

    Les différents fossiles d'Homo sapiens anciens ne montrent pas une progression linéaire, mais plutôt une forte diversité morphologique et une diffusion géographique importante.

    Les crânes des sapiens sont de plus en plus sphériques, le front est haut, la face plane, l'arrière du crâne est arrondi, les maxillaires réduits et il apparait un menton, le bourrelet supra-orbitaire est très atténué.

     

                              crânes Irhoud-1 (-300 ka /Maroc)    vs     Qfazeh-9 (-95 ka/Israël)

    6- Fin du Pléistocène (-126 ka) : Homo sapiens et expansions hors d'Afrique

           

    Associées aux récentes preuves archéologiques et génétiques, ces données suggèrent une origine de notre espèce dans plusieurs populations Africaines séparées géographiquement, mais échangeant occasionnellement des flux de gènes.(16)

    Ce concept de multi-régionalisme inclut probablement également une hybridation avec des populations humaines archaïques contemporaines (naledi?)(17)Différentes études génétiques sur les populations africaines actuelles ont détecté les traces d'une introgression archaïque estimée à 2 à 8% avec un homo archaïque indéterminé, à l'image de ce qui s'est passé en Eurasie avec Néandertal. (18) 

    Ces différentes populations ont pu se différencier à cause de frontières écologiques et les flux de gènes se produire lors des changements climatiques. Ce point de vue remet en cause une origine d'Homo sapiens dans une région unique et bien localisée en Afrique, et implique une forte complexité des processus mis en œuvre pour l'émergence de notre espèce.

     

     

    Le "Middle Stone Age"

     

    L’apparition de notre espèce semble être le produit d’une évolution à une échelle panafricaine et, sur le plan comportemental, elle est associée à la transition des industries lithiques du Early Stone Age vers celles du Middle Stone Age.

    En Afrique, il s'agit d'une reconfiguration technologique qui consiste en l'abandon des grands outils et l'amélioration des techniques sur le noyau lithique et sur l'emmanchement.

    Ces changements conduisent à l'apparition du « Middle Stone Age » qui semble apparaître à travers toute l'Afrique à peu près à la même période: il y a 300.000 ans à jebel Irhoud au Maroc et à Olorgesailie en Afrique de l'Est, et il y a 280.000 ans à Florisbad en Afrique du Sud. Les dates sont plus récentes en Afrique de l'Ouest (180.000 ans), mais la région reste peu fouillée.

    Clairement des distinctions géographiques apparaissent dans la culture du « Middle Stone Age ». Une telle régionalisation est typiquement reliée à l'émergence de la cognition moderne. Elle est cependant liée également à des variables démographiques, et à une adaptation aux conditions environnementales. Les similarités dans ces cultures régionales ont pu être produites par des contacts occasionnels entre les populations, ou par convergence de l'adaptation aux conditions écologiques.

     

    6- Fin du Pléistocène (-126 ka) : Homo sapiens et expansions hors d'Afrique

                                                       Outillage et perles du Midle Stone Age    source: Scerri E. (16)
     

     

     

     

     Sources & bibliographie:

    (1) Stringer, C.B., Hublin, J.-J. and B. Vandermeersch (1984) "The origin of anatomically modern humans in Western Europe". In: F. Smith and F. Spencer (eds.), The Origin of Modern Humans. Alan R. Liss: New York, 51-13.

    (2) Smith TM & al (21012) "Variation in enamel thickness within the genus Homo" J.Hum.Evol. 62,395-411.

    (5)  Grabham, G. W. (1938). "Note on the geology of the Singa district of the Blue Nile". Antiquity. A Quarterly Review of Archaeology, 12, 193– 195

    (6) McDermott F. et al., (1996) "New Late-Pleistocene uranium–thorium and ESR dates for the Singa hominid (Sudan)" Journal of Human Evolution ,Volume 31, Issue 6, December 1996, Pages 507-516

    (7) Day,M.H., (1980) "A new hominid fossil skull (L.H. 18) from the Ngaloba Beds, Laetoli, northern Tanzania" Nature . 1980 Mar 6;284(5751):55-6.

    (8) Rightmire G.P. ,Deacon H.J., (1991) "Comparative studies of Late Pleistocene human remains from Klasies River Mouth, South Africa"  Journal of Human Evolution Volume 20, Issue 2, February 1991, Pages 131-156

    (9) Cooke, H.B.S. et al. (1945). "Fossil Man in the Lebombo Mountains, South Africa: The 'Border Cave,' Ingwavuma District, Zululand". Man. 45: 6–13.

    (10) Grün R., et al., (1990) « ESR dating evidence for early modern humans at Border Cave in South Africa», Nature, vol. 344, no 6266,‎ 1er avril 1990, p. 537–539

    (11) Vandermeersch, B. (1966) "Nouvelles découvertes de restes humains dans les couches Levalloiso-moustériennes du gisement de Qafzeh (Israël)". C. R. Acad. Sc. Paris. 262, D : 1434-1436.

    (12) Schwarcz H., Grün R., Vandermeersch B., Bar Yosef O., Valladas H., Tchernov E. (1988). « ESR dates for the hominid burial site of Qafzeh in Israel. », Journal of Human Evolution, 17, 8, 733-738.

    (13) B. Arensburg et Anne-Marie Tillier,(1989) « Une nouvelle confirmation de l'ancienneté de l'homme moderne au Proche-Orient : la datation de Skhul », Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, Nouvelle Série, t. 1, no fascicule 1-2,‎ 1989, p. 141-143

    (14) Israel Hershkovitz et al., (2018) « The earliest modern humans outside Africa », Science, vol. 359, no 6374,‎ 2018, p. 456-459

    (15) Katerina Harvati, & al, (2019) « Apidima Cave fossils provide earliest evidence of Homo sapiens in Eurasia », Nature, vol. 571,‎ 2019, p. 500-504

    (16) Scerri Eleanor & al (2018) "Did our species evolve in subdivided populations across Africa, and why dies it matter?" Ecology & Evolution, aug 2018, vol 33 N°8

    (17) Lluis Quintana-Murci (2021) "Le peuple des humains. sur les traces génétiques des migrations, métissages et adaptations" Odile Jacob oct.2021 - p85

    (18) Hsieh, P., et al. (2016) "Model-based analyses of whole-genome data reveal a complex evolutionary history involving archaic introgression in central african Pygmies" Genome Res., 26,3 (2016) 291-300

     

    9)

     

     


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  • Durant le Pléistocène moyen, une période qui s'étend de 780 000  à 126 000 avant le présent, on trouve une assez grande variabilité parmi les différentes formes d’hominines à grand cerveau qui apparaissent en Afrique, et au sein desquelles s'enracine Homo sapiens.

    Cependant les fossiles de cette période restent assez rares et très fragmentaires. Un faible nombre d'entre eux sont antérieurs à 200.000 ans.

     

                                          Sites des fossiles Africains du Pléistocène moyen (d'après L.R.Berger 2017) (1)

    5- La diversification du Pléistocène moyen vers H.sapiens

     

    Homo rhodesiensis

    Après les H. ergaster/erectus présents depuis -2 millions d'années, un certain nombre de crânes datés de cette période du Pléistocène moyen ont été pour le moment attribués à Homo rhodesiensis.

     

    1) le crâne de Kabwe (ou de Broken Hill) a été découvert en Zambie (ex Rhodésie) en 1921

    Sa capacité crânienne est estimée à 1200 cm3.

    Difficile à dater par son contexte géologique, il a été estimé initialement à 600.000 ans, et plus récemment à 300.000 ans (2)

    5- La diversification du Pléistocène moyen

    A noter que des caries dentaires ont été observées sur les dix dents présentes, ce qui indique sans doute une consommation de céréales riches en glucose comme le sorgho sucré...

     

    5- La diversification du Pléistocène moyen2) le crâne de Bodo découvert en Ethiopie en 1976.(3)

    Capacité crânienne proche de 1200 cm3, plus importante que celle des erectus, et âge estimé à entre 640 et 550.000 ans (4)   .

     

     

     

     

     

     

     

    5- La diversification du Pléistocène moyen vers H.sapiens3) le crâne de Ndutu découvert en Tanzanie en 1973 (5).

    Capacité crânienne estimée à 1100 cm3, et âge évalué à 600.000 ans en 1976 et plus récemment à 370.000 ans (6).

     

     

     

     

     

    4) La calotte crânienne de Saldanha, découverte à Elandsfonteinen en Afrique du Sud en 1953(7),  et dont l'âge est estimé à 600.000 ans (8).

     

    Il faut souligner que les datations de ces restes du Pléistocène moyen sont encore très discutées et sujettes à révision.

    Ces formes anciennes africaines du Pléistocène moyen sont à rapprocher des Homo heidelbergensis de la même période en Europe avec une grande variabilité de la morphologie faciale. (cf "l'arrivée des humains en Europe")

    Elles sont de même caractérisées par leur volume crânien nettement plus important que celui d'erectus/ergaster, mais avec un crâne moins globuleux, une face moins rétractée et plus prognathe que celle des sapiens qui leurs succéderont.

     

    Homo naledi

    5- La diversification du Pléistocène moyenEn 2013/2017, plus de 1500 ossements, dont des crânes, d'une trentaine d'individus d'une nouvelle espèce d'Homo ont été découverts en Afrique du Sud dans les grottes de Rising Star.(9)

                                                                                                                Crâne LES1  (volume = 610 cm3)

    Cet Homo naledi partage un certain nombre de caractères avec les premières espèces du genre Homo, comme la morphologie du crâne, des mandibules et de la dentition, mais d'autres, comme le faible volume du cerveau, le rapprochent des Australopithèques tardifs ou d'Homo habilis, ce qui semble correspondre à une évolution en mosaïque.

    Malgré cette petite taille, sa structure ressemble cependant aux crânes appartenant aux premiers Homo. Les dents sont petites et primitives. Les adultes étaient de petites tailles (1.50m) pour 50 kg environ.

    Les dernières datations sont de 236 à 335.000 ans (10), ce qui le place comme un contemporain au sud de l'Afrique des Homo rhodesiensis/heidelbergensis et des formes archaïques d'Homo sapiens.

     

     

    vers Homo sapiens: les formes archaïques

    Dès 300 000 ans avant le présent, les fossiles humains découverts à Djebel Irhoud au Maroc représentent les formes les plus anciennes d’Homo sapiens connues à ce jour.

    1) les hommes du Djebel Irhoud au Maroc.

    Depuis 1960, 6 fossiles de 2 adultes et 2 enfants avaient été trouvés dont un crâne (Irhoud1) une boite crânienne (Irhoud2) et une mandibule (Irhoud3) initialement datée de 160.000 ans (11).

    Les récentes fouilles de 2007/2016 ont révélé 16 ossements supplémentaires d'au moins 5 individus, dont des fragments de crâne (Irhoud 10) et une mandibule (Irhoud 11) qui correspond bien au crâne entier Irhoud1.(12)

    De nouvelles datations de l'émail d'une dent de Irhoud3 aboutissent à 286.000 ans d'une part et 315.000 ans pour l'âge des couches dans lesquelles ont été trouvés les derniers vestiges (thermoluminescence d'outils en silex) d'autre part.(13)

                                                             Irhoud 1 (sapiens archaïque)        vs                 sapiens moderne                             

    5- La diversification du Pléistocène moyen

    Ces individus combinent une face proche de celle des hommes actuels avec un encéphale de grande taille mais encore peu globulaire et archaïque dans sa forme, mais restent différents des formes rhodesiensis, heidelbergensis ou néandertaliennes. 

    5- La diversification du Pléistocène moyen

     

    L'outillage de pierre qui est associé consiste en de multiples pointes de type Moustérien, une technique de taille que l'on retrouve à cette époque en Eurasie, au Moyen-orient et Afrique du Nord.

     

     

     

     

     

    5- La diversification du Pléistocène moyen2) En Afrique du Sud: le crâne de Florisbad découvert en 1935 (14) est daté actuellement (émail des dents) à 260.000 ans (+/- 35.000) (15).

    Sa capacité crânienne est estimée à 1400 cm3, comparable aux sapiens "modernes".

    Ces restes sont associés à des outils de pierre du "Middle Stone Age" (MSA).

    Ils avaient été à l'origine attribués à l'espèce Homo helmei avant d'être considérés depuis 2017 comme une forme archaïque de sapiens comme les précédents.

     

     

     

     

     

    5- La diversification du Pléistocène moyen3) Le crâne d'Eliye Springs (KNMZ-ES-11693) a été découvert par des touristes au Kenya près du lac Turkana en 1983 (16).  

    Sa partie antérieure a été fortement érodée; Ses caractéristiques ne le rapproche pas de celles des sapiens, bien que l'on puisse le relier aux autres formes du Pléistocène moyen comme Florisbad, Singa et Ngaloba. Les conditions de sa découverte ont rendu sa datation par la faune associée incertaine jusqu'à présent .

    Sa capacité crânienne est de 1400 cm3.

     

     

    4) Les deux crânes de Omo-Kibish ont été découvert en Ethiopie en 1967 par Richard Leakey.

    Une datation de 2005 les place à 195.000 / 150.000 ans environ (17).

    Kibish1 est très fragmentaire, sa reconstitution semble présenter de nombreux caractères moderne.

    Kibish2, une calotte crânienne entière, provient du même niveau, mais semble plus archaïque (front fuyant, calotte aplatie).

    5- La diversification du Pléistocène moyen

     

     

    5- Pléistocène moyen (-780 ka): la diversification vers H.sapiens5) les crânes d'Herto découverts en Éthiopie en 1997 (18)

     

    2 crânes d'adultes et un d'enfant,  datés de 160-154 000 ans (19).

    volume 1450 cm3 . (initialement dénommés Homo idaltu)

    Les crânes présentent des traces de rites mortuaires (ou  de cannibalisme?)

     

     

    De nouvelles datations geochimiques plus précises ont été publiées en 2022 et aboutissent à des dates de 233.000 ans +/- 22.000 pour Herto et Omo-Kibish.(19)

     

     

          Une très récente étude de 2019 (20) a recherché parmi les plus anciens fossiles africains connus attribués à des Homo sapiens archaïques, lesquels préfiguraient le mieux la morphologie finalement acquise par l'Homme moderne. Ayant étudié de nombreux crânes fossiles d'hommes modernes, cette étude propose une morphologie virtuelle du dernier ancêtre commun de l'humanité actuelle et la compare aux crânes africains relativement complets datés d'au moins 200.000 ans : Irhoud 1, Florisbad, Eliye Springs , Omo Kibish 2  et Ngaloba LH 18 (Tanzanie).

    Le crâne de Florisbad est jugé le plus proche de notre ancêtre virtuel, devant celui d'Eliye Springs.

     

          En résumé, le fossile de Jebel Irhoud montre une face similaire aux hommes contemporains mais sa boite crânienne a une forme plus allongée typique des espèces plus archaïques.

    Les autres anciens fossiles comme Florisbad (260.000 ans), Omo-Kibish et Herto (230.000 ans) sont morphologiquement assez divers.

    Cette diversité avait même conduit certains chercheurs à proposer de classer ces fossiles dans des espèces distinctes, mais le consensus actuel préfère les inclure dans la diversité/variabilité d'Homo sapiens.

    Cela suggère que l'évolution a progressé indépendamment dans différentes régions, dans des populations isolées pendant des millénaires par la distance ou par des obstacles écologiques (forêts tropicales, déserts).

    Par ailleurs, la présence en Afrique au même moment d'Homo naledi autour de 335.000 ans et d'Homo rhodesiensis entre 300 et 125.000 ans, laisse la possibilité d'une hybridation entre les premiers sapiens et une espèce archaïque en Afrique.(21)

     

     

     Sources & notes, pour en savoir plus:

    Hublin J-J (2016/2017) "Homo sapiens, l'espèce orpheline: formes archaïques africaines" Cours du Collège de France du 11 octobre 2016.  https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2016-2017.htm

    Stringer, C. (2016). "The origin and evolution of Homo sapiens". Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series B, Biological Sciences. 371 (1698):

    Rightmire GP.(2009) "Out of Africa: modern human origins special feature: middle and later Pleistocene hominins in Africa and Southwest Asia". Proc Natl Acad Sci U S A. 2009;106(38):16046-16050.

    (1) Berger et al. (2017) "Homo naledi and Pleistocene hominin evolution in subequatorial Africa" eLife 2017; 6:e24234. DOI: 10.7554/eLife.24234

    (2)  Rainer Grün, and al., « Dating the skull from Broken Hill, Zambia, and its position in human evolution », Nature, vol. 580, no 7803,‎ avril 2020, p. 372–375

    (1) Braüer G. 2008. The origin of modern anatomy: by speciation or intraspecific evolution? Evolutionary
    Anthropology: Issues, News, and Reviews 17:22–37.

    (3) Asfaw, Berhane (1983) « A new hominid parietal from Bodo, middle Awash Valley, Ethiopia », American Journal of Physical Anthropology, vol. 61 (3), p. 367-371. 

    (4) Clark JD, et al.(1994) "African Homo erectus: Old radiometric ages and young Oldowan assemblages in the Middle Awash Valley, Ethiopia". Science. 1994; 264:1907–1910

    (5) Mturi, A A (August 1976). “New hominid from Lake Ndutu, Tanzania”. Nature 262: 484-485.

    (6) Rightmire, Philip G. (1983). “The Lake Ndutu Cranium and Early Homo Sapiens in Africa”. American Journal of Physical Anthropology 61:245-254

    (7) Singer, Ronald (1954). "The saldanha skull from Hopefield, South Africa". American Journal of Physical Anthropology. 12 (3): 345–62

    (8) Klein RG, et al. (2007). "The mammalian fauna associated with an archaic hominin skullcap and later acheulean artifacts at Elandsfontein, Western Cape Province, South Africa". Journal of Human Evolution 52:164–186.

    (9) Lee Rogers Berger et al., « Homo naledi, a new species of the genus Homo from the Dinaledi Chamber, South Africa », eLife 2015;4:e09560

    (10) Paul HGM Dirks et al. (2017) "The age of Homo naledi and associated sediments in the Rising Star Cave, South Africa" , eLife, 2017; 6:e2423

    (11) Tanya M. Smith, Paul Tafforeau, Jean-Jacques Hublin et al., « Earliest evidence of modern human life history in North African early Homo sapiens », PNAS, vol. 104, no 15,‎ 10 avril 2007, p. 6128–6133

    (12) Jean-Jacques Hublin, Abdelouahed Ben-Ncer et al., (2017) « New fossils from Jebel Irhoud, Morocco and the pan-African origin of Homo sapiens », Nature, vol. 546,‎ 8 juin 2017, p. 289-292

    (13) Daniel Richter, Rainer Grün et al., (2017) « The age of the hominin fossils from Jebel Irhoud, Morocco, and the origins of the Middle Stone Age », Nature, vol. 546,‎ 2017, p. 293-296

    (14) M.R. Drennan, « The Florisbad Skull and Brain Cast », Transactions of the Royal Society of South Africa, vol. 25, no 1,‎ 1937, p. 103-114

    (15) Grün R, et al. (1996) "Direct dating of Florisbad hominid". Nature. 1996; 382:500–501.

    (16) Günther Bräuer & Richard Leakey, (1986) "The ES-11693 Cranium from Eliye Springs, West Turkana, Kenya", Journal of Human Evolution, n° 15, p 289-312, 1986,  

    (17) I. Mcdougall, & al (2005) "Stratigraphic placement and age of modern humans from Kibish, Ethiopia" . Nature . 2005 Feb 17;433(7027):733-6. 

    (18) White TD & al (2003) "Pleistocene Homo sapiens from Middle Awash, Ethiopia." Nature 426, 742-747.

    (19) Vidal C. & al (2022) " Age of the oldest known Homo sapiens from eastern Africa" Nature, vol601, 2022.

    (19) Clark J.D.  et al., (2003) "Stratigraphic, Chronological and Behavioural Contexts of Pleistocene Homo Sapiens from Middle Awash, Ethiopia" July 2003 -Nature 423(6941):747-52

    (20) Aurélien Mounier et Marta Mirazón Lahr, (2019) « Deciphering African late middle Pleistocene hominin diversity and the origin of our species », Nature,‎ 10 septembre 2019.

    (21) Scerri Eleanor & al (2018) "Did our species evolve in subdivided populations across Africa, and why does it matter?" Ecology & Evolution, aug 2018, vol 33, N°8.

     


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  • A partir de la période -2 Ma/-1.9 Millions d'années, les différents représentants du genre Homo en Afrique commencent à s'adapter réellement à leur niche écologique de prédateur en milieu ouvert et commencent à en exploiter la faune, grâce en particulier à leur outillage de pierre encore rudimentaire de type Odowayen (mode1).

    Rappelons qu'actuellement (en 2021),

    • les traces les plus anciennes d'outils de pierres taillées reliées au genre Homo ont été découvertes dans la région du Rift d'Afrique de l'Est(1) et sont datées de 3.3 Ma,
    • les plus anciens ossements du genre Homo (la demi-machoire LD350-1) ont été découverts à Ledi-Geraru en Éthiopie et sont datés de 2.8 Ma(2), 
    • que le vestige le plus ancien d'Homo ergaster/erectus africain est un peu postérieur à 2 millions d'années, (le fragment d'occipital KMN-ER-2598 du Kenya: au moins -1.87 Ma)(3).

     

    L'hypothèse la plus probable est qu'à cette époque, quelques groupes humains d'Homo  ergaster ou même de formes antérieures archaïques d'Homo, ont pour la première fois migrés hors d'Afrique  par le Proche et le Moyen-Orient, sans doute par vagues successives de petits groupes, en suivant les mouvements des grands mammifères qu'ils chassaient(4). Puis ils ont gagnés le Caucase et ont progressivement atteint l'Asie méridionale puis l'Europe.

    Ces hommes avaient réalisé un modèle biologique et comportemental bien différent de celui de leurs prédécesseurs. Leur activité de prédation, leur régime alimentaire à forte composante carnée apparaissent clairement au niveau des sites archéologiques qui mêlent industries lithiques et restes de faunes chassées ou charognées.

    Ces premiers chasseurs ne connaissaient pas le feu, utilisaient des outils archaïques taillés sur galets (oldowayen mode 1), occupaient des campements sommaires en grottes ou en plein air.

    Ils étaient adaptés à un mode de vie dans des espaces dégagés de tout arbre.  C’est sans doute le développement d’une niche adaptative véritablement « humaine » qui a permis l’expansion de ces formes hors d’Afrique, dans les régions du sud de l’Eurasie.

    En Eurasie, il règne au Pléistocène inférieur (à partir de -2.6Ma) un climat chaud et humide qui provoque la croissance de vastes forêts luxuriantes où se côtoient les Conifères, les grands arbres à feuillage caducs et d’autres espèces actuellement exotiques.

    La faune est riche en grands Mammifères, l’Éléphant méridional, le Rhinocéros étrusque, les derniers Mastodontes d’Auvergne, l’Ours étrusque, les grands Cervidés, les Chevaux, les Bisons….

     

    Les premières traces d'humains hors d'Afrique

     

    La chronologie et les limites de cette première expansion ne sont pas encore parfaitement établies:

    Les données les plus récentes semblent attester de la présence d'Homo en Eurasie très anciennement, au moins vers -1.85 millions d'années dans le Caucase et un peu plus tard en Chine et à Java:

     

    1) L'homo georgicus au sud du Caucase (1.85 à 1.78 Ma)

    A 90 km au sud-ouest de la capitale de la Géorgie, plusieurs vestiges datés de 1.85 à 1.78 Ma ont été découvert à partir de 1984:

    1984: les plus anciens outillages européens de type Oldowayen (mode 1) datés de 1.85 Ma.(5)

    4 - Première sortie d'Afrique

     

    1991: une mâchoire (D211)

    1999: un fragment de crâne (D2282) et le crâne d'une jeune femme (D2280)

    2000: une mandibule (D2600)

    2001: un 3ème crâne et sa mandibule (D2700) ainsi que des os des membres

    2003: un 4ème crâne et sa mandibule (D3444)

    2005: un 5ème crâne (D4500)

     

    4 - Premières sorties d'Afrique

     

     Le volume endocrânien des cinq fossiles varie de 546 à 730 cm3, ce qui correspond plus ou moins à celui trouvé chez Homo habilis (de 550 à 700 cm3 environ).

    Les membres inférieurs et les vertèbres étaient tout à fait adaptés à la marche mais aussi à la course; le pied possédait déjà une voûte plantaire bien développée. Le dimorphisme sexuel semble assez important, la taille des sujets masculins est estimée à 1.50m.

    Cet Homo georgicus, comme certains l'on baptisé(6), présente une grande variabilité morphologique au sein de ce site unique, mais finalement du même ordre que celle observée chez les hommes actuels ou les chimpanzés.

    De même il présente des caractères intermédiaires à la fois assez primitifs évoquant presque un Australopithèque (la forme, la face, l'orientation du crâne, le faible volume crânien) et d'autres plus typiques du genre Homo (la mandibule très prognathe, les petites canines) entre Homo habilis et Homo ergaster.

    4 - Premières sorties d'AfriqueDifférentes hypothèses ont été émises:

    1. Toutes les variations observées parmi le genre homo au début du Pléistocène (habilis, erectus, ergaster, rudolfensis et georgicus) font toutes partie d'un même lignée unique, qui pourraient être fusionnées en une même espèce (habilis ou erectus).
    2. Les hommes de Dmanissi appartiennent à au moins deux espèces différentes (sinon quatre).
    3. Le 5ème crâne (D4500) et sa mandibule en particulier (D2600) représentent une espèce différente des 4 autres, homo georgicus.
    4. Les hommes de Dmanissi ne sont pas différents d'Homo habilis; Ils proviendraient d'une première expansion précoce hors d'Afrique autour de -2.5 Ma.

                                                                                                                                                                                               "homo georgicus" D4500 & D2600 (7)

     

     

     2) L'enfant de Modjokerto à l'est de Java (-1.49 Ma)

    4 - Première sortie d'Afrique

     

    Une calotte crânienne d'un jeune enfant, de type erectus, découverte en 1936 à l'est de l'ile de Java en Indonésie, initialement datée de -1.8 Ma,  est actuellement datée de -1.49 Ma. (8)

     

     

     

    3) Les crânes de Sangiran au centre de Java (-1.3 à -1.5 Ma)

     

    4 - Première sortie d'Afrique

    De 1936 à nos jours un grand nombre de fossiles humains dont une dizaine de crânes plus ou moins déformés et complets ont été découverts sur le vaste site de Sangiran au centre de l'ile de Java.

    Les dernières datations les situent entre 1.27 et 1.47 Ma (9).

    La morphologie du plus ancien crâne est assez proche des Homo ergaster africains de la période 1.7-1.4 Ma.

    Le volume du crâne de Sangiran 17 est estimé à 1000/1100 cm3.

                                                                                                                                   crâne Sangiran 17

     

    4) de l'outillage de type oldowayen en Chine. (-1.7 , -1.5 Ma)    

    4 - Première sortie d'Afrique

    Sud de la Chine:

    En 1965 deux incisives humaines, trois outils de pierre de  mode 1 (oldowayen) furent découvert à Yuanmou au sud de la Chine, ainsi que le tibia d'une femme en 1984.  Les datations très controversées  vont de -1.7 Ma(10) à -0.7 Ma (11) .                                                       

     


     

    4 - Première sortie d'Afrique

    Nord de la Chine:

    A partir de 1935 puis durant les années 70, un grand nombre d'outillage de pierres taillées, grattoirs, burins (mode 1) ont été découverts à Nihewan ( Xiaochangliang ) au nord de la Chine, et ont été datés entre 1.55 et 1.66 Ma.(12)

     

     

    5) des traces d'activités humaines en Inde très/trop anciennes? (? -2.6 Ma)

     

    Il y a été récemment publié en 2016 (12) les résultats de plusieurs années de fouilles dans les piémonts himalayens en Inde (Masol dans le Penjab):

    Ceux-ci révèlent des traces de découpes complexes sur des ossements d'animaux ainsi que des galets taillés (chopper) contemporains, le tout situé dans des limons qui seraient datés d'au moins 2.6 Ma, avant l'inversion du champ magnétique de -2.588Ma. Ces datations devront être confirmées. La faune chassée comprenait des tortues terrestres géantes, des hippopotames, des éléphants et stégodons, des chevaux et des hipparions, des girafes, cervidés et bovidés.

    Si une présence humaine  était confirmée à cette date hors d'Afrique, cela remettrait en cause beaucoup des théories actuellement admises.

     

    6)  Une expansion limitée au nord au 40ème parallèle :

     Les traces des premières occupations ne dépassent pas 40° de latitude nord. Les hommes ne vont coloniser les régions plus septentrionales que beaucoup plus tard.

    Dans les moyennes latitudes, leur dispersion est rythmée par les oscillations climatiques des cycles glaciaires/interglaciaires qui ont profondément altéré les paysages, les faunes et la géographie elle-même du continent européen.

    Ces fluctuations ont directement influencé les possibilités d’échanges de population entre différentes régions et les densités de peuplement. En Afrique et au Proche-Orient, avec une périodicité différente, c’est surtout le degré d’aridité et l’extension des déserts comme le Sahara qui ont varié.

     

    4 - Première sortie d'Afrique

     

     

     

      Sources & Notes

    Hublin J-J (2014) "Les plus anciens peuplements de l'Eurasie" Cours du Collège de France du 4 novembre 2014.

    (1) Harmand S. et al. (2015) "3.3-million-year-old stone tools from Lomekwi 3, West Turkana, Kenya." Nature, 521, 310-315

    (2) Villmoare B. et al. (2015) « Early Homo at 2.8 Ma from Ledi-Geraru, Afar, Ethiopia », Science, vol. 347, no 6228,‎ 2015, p. 1352-1355

    (3) Hammond A.S. et al. (2021) "New hominin remains and revised context from the earliest Homo erectus locality in East Turkana, Kenya". Nature Communication, 12, 1939 (2021)

    (4) Martinez-Navarro B. et al (2005) "Early Pleistocene Faunal and Human dispersal into Europe:" Les premiers peuplements en Europe, BAR Intern. Series 1364, p125-133.

    (5) Ferring R. et al. (2011), "Earliest human occupations at Dmanisi (Georgian Caucasus) dated to 1.85-1.78 Ma." Proc. Natl. Acad.Sci. U.S.A.108, 10432–10436 (2011)

    (6) Gabunia L., et al (2002) : « Découverte d'un nouvel hominidé à Dmanissi (Transcaucasie, Géorgie) »,  Comptes Rendus Palevol, volume 1, numéro 4, septembre 2002, pages 243-253. 

    (7) Lordkipanidze D. (2013) « A Complete Skull from Dmanisi, Georgia, and the Evolutionary Biology of Early Homo », Science, vol. 342, no 6156,‎ 18 octobre 2013, p. 326–331

    (8) Morwood, M.J. et al. (2003), "Revised age for Mojokerto 1, an early Homo erectus cranium from East Java, Indonesia", Australian Archaeology, 57: 1–4 

    (9) Matsu'ura S. et al. (2020), "Age control of the first appearance datum for Javanese Homo erectus in the Sangiran area", Science 367, 210-214

    (10) Zhu RX, et al. (2008) "Early evidence of the genus Homo in East Asia". J Hum Evol. 2008 ;55:1075–1085.

    (11) Hyodo M. et al. (2002). "Paleomagnetic dates of hominid remain from Yuanmou, China, and other Asian sites". Journal of Human Evolution. 43 (1): 27–41

    (12) Hong Ao, et al. (2013). "New evidence for early presence of hominids in North China". Scientific Reports. 3 (2403): 2403

    (13) Dambricourt Malassé A. (2016), "Intentional cut marks on bovid from the Quranwala zone, 2.6 Ma, Siwalik Frontal Range, NW India. In Human origins in the indian sub-continent". C.R. Palevol. vol15 n°3-4, p 279-452.

     


     

     

     


    Larick R, et al. Early Pleistocene 40Ar/39Ar ages for Bapang Formation hominins, Central Jawa, Indonesia. Proc Natl Acad Sci USA. 2001;98:4866–4871


    Carbonell E, et al. The first hominin of Europe. Nature. 2008;452:465–469


    Arzarello M, et al. Evidence of earliest human occurrence in Europe: The site of Pirro Nord (Southern Italy) Naturwissenschaften. 2007;94:107–112.

    Gathogo PN, Brown FH. Revised stratigraphy of Area 123, Koobi Fora, Kenya, and new age estimates of its fossil mammals, including hominins. J Hum Evol. 2006;51:471–479


    Asfaw B, et al. Remains of Homo erectus from Bouri, Middle Awash, Ethiopia. Nature. 2002;416:317–320


    de Lumley H, et al. Pre-Oldowan lithic industries from the early Pleistocene site of Dmanisi in Georgia (Translated from French) Anthropologie. 2005;109:1–182

     

     

     


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  • Au Pléistocène, à partir de -2.5 millions d'années environ, les Australopithèques, sans doute Australopithecus afarensis et/ou africanus ont semble-t-il évolués en deux lignées divergentes, le genre homo" et le genre "paranthropus", en réponse à une augmentation de l'aridité et la modification des milieux en Afrique à cette époque.

    Ces modifications les auraient poussés à exploiter progressivement de nouvelles ressources alimentaires, comme la consommation de viande pour les uns ou plutôt de végétaux très ligneux pour les autres.

    L'Aube de l'HumanitéC'est en Tanzanie, dans les gorges d'Olduvai, que les paléontologues Louis et Mary Leakey vont découvrir en 1960 à la fois de l'outillage ancien et un fossile "OH7" (une mandibule, une voute crânienne, des os de la main, et datés de 1.8Ma) qu'ils attribuent à une nouvelle espèce du genre Homo, homo habilis.(6)

     

    1)  Homo habilis : 1.9 - 1.5 millions d'années

    De nombreux autres fossiles sont découverts plus tard dans le site d'Olduvai de Tanzanie, en Éthiopie, Malawi et Afrique du Sud .


    Bien que l'on ne dispose pas de squelette ou de membres complets, "habilis" est caractérisé par une posture droite, une démarche bipède, une bonne capacité de préhension, un volume du crâne assez faible de 600 à 700 cm3, une petite mandibule dont les molaires sont réduites.

     

    Crâne KNM-ER-1813(1.9Ma) du Kenya

    L'Aube de l'Humanité                                                     Crâne Homo habilis OH24 (1.8Ma) de Tanzanie

    L'Aube de l'Humanité

     

     L'Aube de l'HumanitéIl présente une taille de 1.m pour les femelles et 1.50m pour les mâles pour un poids estimé de 50 kg pour ceux-ci.


    L'empreinte crâniale visible de l'aire de Broca essentielle au langage indique qu'il était intellectuellement capable d'avoir un langage rudimentaire, mais peut être pas articulé.


    Homo habilis consommait de la viande et taillait des pierres coupantes dans les roches volcaniques ou des galets (galets aménagés Oldowayen de mode 1).

    L'Aube de l'Humanité
     

     

     

                                                                                                                                                                                                                                                                  reconstruction H. habilis (*)

    Par conséquent, c'est probablement la première espèce humaine à avoir développé une culture sociale et industrielle et une forme d'éducation pour transmettre ses savoir-faire.

    On estime leur population à près d'un million d'individus aux alentours de 1.8 millions d'années particulièrement.

     

    L'Aube de l'Humanité

    Liste des fossiles attribués à Homo habilis, localisation, datation et description (7)

    (1) Feibel et al 1989. (2) Gathongo et al 2006. (3) Hay 1976. (4) Johanson et al 1987. (5) Schwartz et al 1994.

     

     

     

     2) Homo rudolfensis:  2.4 - 1.6 millions d'années

                                                                                                                                                                                                                     crâne KNM-ER-1470

    L'Aube de l'HumanitéUn crâne (KNM-ER-1470) différent d'homo habilis ou paranthropus, fut découvert en 1972 à Koobi Fora à l'est du lac Turkana (8)  au Kenya, et daté en 1989 de 1.9 Ma, puis en 2006 de 1.6 Ma.

    Les découvertes récentes en 2012 dans la même région d'une mandibule et d'une face avec maxillaire confirmèrent les différences anatomiques avec habilis, et l'attribution de ces fossiles à l'espèce Homo rudolfensis (1886).

    L'Aube de l'HumanitéLa mâchoire est robuste et plus courte, le crâne plus volumineux (750cm3)                                                           

     reconstitution de la mandibule KNM-ER-60000

     


    Rudolfensis a vécu en Afrique de l'Est en Éthiopie, Kenya, Tanzanie, au Malawi  entre 2.4 et 1.78 Ma et en particulier il a été le contemporain d'Homo habilis, d'Homo ergaster/erectus, d'Australopithecus sediba, de Paranthropus boiseï..

    On ne connait pas actuellement son ancêtre direct chez les australopithèques et cette espèce semble s'être éteinte sans descendance.

     

    L'Aube de l'Humanité

    Liste des fossiles attribués à Homo rudolfensis, localisation, datation et description (7)

                                           (1) Feibel et al 1989. (2) Gathongo et al 2006

     

     3) Homo ergaster/erectus (10)

     

    L'homo erectus avait été décrit initialement à partir des formes relativement récentes découvertes en Asie à Java dès 1894 et en Chine à partir de 1921: le Pithécanthrope de Java et le Sinanthrope de pékin, tous les deux renommés Homo erectus en 1950.

    Il s'agissait d'une calotte crânienne et d'un fémur datés de 500.000 ans pour l'un et de plusieurs crânes et mandibules datés de 400 à 800.000 ans pour les autres (9).

     

    L'Aube de l'HumanitéLes caractéristiques initiales étaient, au niveau du crâne, un os frontal plus étroit en arrière d'un bourrelet sus-orbitaire très prononcé, l'arrière de l'occipital anguleux,  les arcades dentaires très en avant de la face, une saillie de l'os nasal, une mandibule et une denture robuste.

     

    Reconstitution d'un crâne d'homo erectus de Zhoukoudian en Chine ("homme de Pékin" ou Sinanthrope)

     

    En Afrique, plusieurs découvertes avaient permis d'identifier des homo erectus dès 1960 en Tanzanie et au Kenya sur une période allant de 1.9 Ma à 700.000 ans.

    • Le haut d'un crâne de plus de 1000 cm3 (OH9) en 1960 en Tanzanie, daté de 1.25 Ma.
    • Une mandibule (ER-992) et un crâne (ER-3733) de 850cm3 en 1971 et 1975 à Koobi Fora dans l'est Turkana au Kenya et datés de 1.5 et 1.7 Ma. respectivement.
    • En 1984 le squelette complet (KNM-WT-15000) d'un jeune individu très différent des autres homo est découvert à l'ouest du lac Turkana. Le squelette de ce "garçon de Turkana" est daté de 1.6 Ma.

    Actuellement, ces formes d'homo erectus africaines plus anciennes qui présentent des caractères plus archaïques sont regroupées depuis 1991 au sein d'une espèce distincte, homo ergaster.

    Globalement, ce groupe d'homo erectus/ergaster a présenté une grande distribution géographique depuis l'Afrique jusqu'en Europe et en Asie du sud est, et pendant une très longue période depuis 2 millions d'années environ en Afrique et jusqu'à 100.000 ans en Indonésie, ce qui s'est accompagné d'une importante variabilité anatomique.

    La taille des erectus (sensus lato) est beaucoup plus grande: la plupart des spécimens mesuraient entre 1.45m et 1.70m pour 40 à 70 kg, le garçon de Turkana mesurait déjà 1.50m à l'âge de 8 ans. Ses membres inférieurs sont très longs, son thorax étroit.

    De même, la taille du crâne et du cerveau est très nettement augmentée, de 750 à 1000 cm3

     

    L'Aube de l'Humanité

    Liste des fossiles attribués à Homo ergaster, localisation, datation et description (7)

                                           (1) Feibel et al 1989. (2) Gathongo et al 2006. (3) Hay 1976

     

    4) Autres Homo archaïques (11) 

     Un certain nombre de restes crâniens et mandibulaires ont été attribués aux premières formes archaïques africaines du genre Homo:

    • Le plus ancien fossile rattaché au genre Homo est une demi mâchoire (LD 350-1) découverte en 2013 à Ledi-Geraru en Éthiopie dans un niveau daté de 2.8 millions d'années (12).

    La morphologie des prémolaires des molaires et de la mandibule est assez éloignée de celle des Australopithèques contemporains et plutôt proche de celle des Homo.

     

    L'Aube de l'HumanitéL'Aube de l'Humanité

     

     

     

     

     

                      

     Mandibule d'Australopithèque                         Mandibules d'Homo archaïques                  et d'Homo erectus

     

     

    • L'Aube de l'HumanitéUn maxillaire (AL-666-1), découvert en Éthiopie à 30 km de là en 1994 et daté de 2.33Ma, se distingue des Australopithèques et présente également de fortes affinités avec le genre Homo (13).

     

     

     

     

     

     

     

    L'Aube de l'Humanité

     

     

    Le "dilemme obstétrique" (15)

    Depuis le Dernier Ancêtre Commun, des Australopithèques aux Homo habilis, il y a une augmentation progressive de la taille du bassin (en particulier de la femme), et également de celle du cerveau, essentiellement par l'augmentation de la taille du cerveau du nouveau-né, avec déjà rotation de la tête dans le passage du petit bassin lors de l'accouchement.

    Mais avec Homo ergaster et son cerveau adulte de plus 1000 cm3, commence à se poser le dilemme obstétrique, c'est à dire que l'augmentation de la taille du cerveau et de la tête du nouveau-né se heurte aux contraintes anatomiques imposées par la bipédie et la course, qui induisent une limitation de la taille du petit bassin par où doit passer la tête du nouveau-né.

    Chez erectus/ergaster puis sapiens, le processus d'Altricialité secondaire est une réponse adaptative à ce dilemme:  le processus de développement du cerveau (l'altricialité) se produit à la fois in-utéro en fonction de la durée de gestation, et se poursuit ensuite fortement jusqu'à l'âge de 18-20 mois.

    Chez le Chimpanzé le cerveau passe de 140 à 360 cm3 de la naissance à l'âge adulte

    chez Homo habilis, le cerveau passe de 200 à 550/700 cm3

    chez erectus, le cerveau passe de 300 à 1100 cm3 à l'âge adulte

     

     

     

     

     

    Sources & notes

    (1) Feibel C. et al. (1989) "Stratigraphic context of fossil hominids from the Omo group deposits: Northern Turkana Basin, Kenya and Ethiopia"  April 1989. Am. J. of Physical Anthropology.

    (2) Gathogo P. et al. (2006) "Stratigraphy of the Koobi Fora Formation (Pliocene and Pleistocene) in the Ileret region of northern Kenya".  August 2006. Journal of African Earth Sciences 45(4):369-390

    (3) Hay R.L. (1976),  "The  setting  of  the  gorge  and  history  of  thegeological investigations, inR.L. Hay (ed.), The Geology ofOlduvai  Gorge",  University  of  California  Press,  Berkeley,p. 25-28.

    (4) Johanson D.C. et al. (1987),  "New  partial  skeleton  of Homo habilis from Olduvai Gorge", Nature 327: 205-209

    (5) Schwartz H.P. (1994),  "ESR  dating studies  of  the  Australopithecine  site  of  Sterkfontein,  SouthAfrica", Journal of Human Evolution. 26: 175-181.

    (6) Leakey L., Tobias P., Napier J. (1964). "A New Species of the Genus Homo from Olduvai Gorge" . Nature. 202 (4927): 7–9.

    (7) Prat Sandrine (2004), «Les premiers représentants du genre Homo, en quête d’une identité. Apports de l’étude morphologique et de l’analyse cladistique», Bulletins et mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris,  16 (1-2)

    (8) L'ancien nom du lac Turkana dans la vallée du Rift était lac Rudolf.

    (9) Ces fossiles ont été perdus pendant la seconde guerre mondiale

    (10) J.J. Hublin: Homo erectus/Paléoanthropologie de l'Asie. cours du 22 octobre 2019. Collège de France  https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/course-2019-10-22-17h00.htm

    (11) J.J. Hublin: Plus proche du genre Homo/Avant les hommes. cours du 24 novembre 2020. Collège de France

    (12) Villmoare B. et al. « Early Homo at 2.8 Ma from Ledi-Geraru, Afar, Ethiopia », Science, vol. 347, no 6228,‎ 2015, p. 1352-1355

    (13) Kimbell W.H, et al. (1996) "Late  Pliocene Homo and  Oldowan  tools  from the  Hadar  formation (Kada  Hadar  member),  Ethiopia", Journal of Human Evolution 31: 549-561.

     (14) Anton S. C. et al. (2014) "Evolution of early Homo: an integrated biological perspective", Science, 345( 2014)

    (15) Picq P. "Et l'évolution créa la femme". O.Jacob 2020

      


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