• Les Vénètes

    Les Vénètes formaient une des populations indo-européennes qui a migré à partir du XIIIe siècle avant JC. Leur langue est connue par quelques deux cents inscriptions.


    Dans les textes de l'antiquité, il est question de quatre peuples homonymes situés dans différentes partie du monde occidental:

    les Hénètes d'Asie Mineure,

    les Vénètes de l'Adriatique,

    les Vénètes d'Armorique

    et les Wendes d'Europe Centrale.


    Un certain nombre d'indices montrent qu'il s'agissait d'une même population ayant migré par voie terrestre ou maritime à partir de la mer Noire jusqu'aux plaines d'Europe Centrale dans le bassin de la Vistule, en Europe du Nord en Baltique, ainsi que jusqu'au fond de l'Adriatique (Venise) et en Armorique (Bretagne Sud).
    Ainsi, en particulier, il existe une maladie cardiaque rare, d'origine génétique autosomique, dont les zones de répartition et de forte prévalence recoupent fidèlement celles où les Vénètes de l'Antiquité étaient installés(1) , ce qui fait d'eux un possible vecteur de dissémination.

     

    Les Hénètes d'Anatolie

    Dans la légende homérique de l'Iliade, les Hénètes sont un peuple d'Anatolie alliés des Troyens et descendant des Paphlagoniens.

    Ceux-ci auraient occupés un territoire montagneux de la Chaine Pontique, la Paphlagonie, situé entre les villes turques actuelles de Zonguldak et Bafra, en bordure de la mer Noire, dès l'âge du cuivre.

    Les Vénètes


    Ils auraient été parmi les premiers à domestiquer les chevaux sauvages des steppes d’Asie Centrale, les hémiones dont parle Homère.


    Après le sac de Troie, ils sont épargnés par les Grecs, selon la légende, et auraient essaimé vers l’Ouest par voies terrestre et maritime.

     

    Les Wendes d'Europe centrale


    Les Hénètes auraient remonté depuis la mer Noire le cours du Danube et des autres fleuves d’Europe Centrale, dont la Vistule, sur les rives de laquelle ils se sont établis, à la recherche de nouvelles routes commerciales.


    Ils y auraient côtoyé les Celtes, et probablement pris comme eux le relais de la culture d’Unetice (-2300 à -1500 avJC) (dans l'actuelle Tchéquie)(2) dans la région des Monts de Bohème riches en minerais nécessaires à la fonte du bronze.
    Puis ils auraient fréquenté les peuples de la Baltique en jalonnant la route de l’ambre(3).

    Leurs descendants seraient les Wendes d’Europe Centrale, décrits par les peuples germaniques, leurs voisins occidentaux(4) .


    La découverte récente dans la plaine hongroise de sépultures comportant des inscriptions vénètes, ainsi que de fosses d’inhumation de chevaux, attestent l’implantation des Vénètes en Pannonie au Ve siècle avant notre ère, avant les Celtes dans cette région . (5)


    L’auteur latin Tacite mentionne vers l’an 98 les Venethi, un peuple qu’il situe à la frontière entre le monde germanique sédentaire d’Europe centrale et celui des nomades Sarmates de la steppe d’Europe orientale.

     

    Les Vénètes de l'Adriatique


    Selon Virgile dans l’Eneide, sept a huit siècles après les textes homériques, les Hénètes aurait été en contact avec les peuples de Macédoine, de Sicile, puis avec les Carthaginois, au cours de leur expansion maritime.
    Ils auraient contribué au peuplement de l’Italie moyenne au contact des Etrusques, et de la riche plaine du Pô sous la conduite d’Antenor, conseiller de Priam, et de ses compagnons, selon la légende.
    Peut-être ont-ils reçu dans leurs pérégrinations l’aide des Phéniciens qui, eux, avaient déjà établi de nombreux comptoirs en Méditerranée, pour se déplacer jusque sur les cotes d’Italie.
    Les relations entre les Phéniciens et les Hénètes sont attestées par la similitude frappante qui existe entre leurs alphabets.
    Chypre, l’ile du cuivre, a sans doute été dès l’Age du Bronze un point de rencontre important entre les deux peuples.
    Les descendants des Hénètes auraient donc fondé Este, Padoue et Venise, mais se seraient peu mélangés aux peuples voisins, conservant le génie du travail du bronze et de l’élevage du cheval.
    L’historien Tite-Live, contemporain de Virgile et natif de Padoue, nous informe que les Vénètes de l’Adriatique se sont alliés aux Romains contre les Celtes dès le début du IIIe siècle av.JC. (épisode des oies de Capitole) et leur ont fourni un contingent d’auxiliaires durant la deuxième guerre punique.

    La langue vénète est attestée par plus de deux-cent-cinquante inscriptions remontant au Ve ou au VIe siècle avant J.-C. et retrouvées sur les sites des cinquante cités de la Vénétie antique. Puis elle disparait au Ier siècle avant J.-C., à l'époque de l'assimilation aux Latins, leur territoire devient la Xe région d'Italie sous le règne d'Auguste.

    Les Vénètes de l'Adriatique étaient installés sur un territoire approximativement délimité à l'ouest par l'Adige, au nord par les Alpes carniques, à l'est par le fleuve Timavus et au sud par la mer Adriatique.

    Les Vénètes

     

    Les invasions barbares des Marcomans sous le règne de Marc-Aurèle au IIè siècle dévaste leur territoire et les contraint à se replier sur les îles de la côte adriatique au début du Ve siècle, et en particulier à Ripa alta (Rialte puis Rialto) qui commerce avec Padoue autre ville Vénète: c'est ainsi que commence l'histoire de Venise.

     

    Les Vénètes d'Armorique

    La présence des Vénètes sur le sol de l’actuel pays morbihannais est attestée dès le début du premier millénaire avant notre ère.
    Comme pour les Wendes, leur expansion vers l’Ouest s’est faite dans des territoires "sans écriture" ce qui les plonge dans une période sans repères historiques. En 56 avant JC. César en décrivant leurs mœurs dans la Guerre des Gaules, fait rentrer les Vénètes d’Armorique dans l’Histoire.

    Les Vénètes semblent avoir eu un rôle clé dans les réseaux d'échanges de l'étain depuis l'âge du bronze.
    Ce métal est en effet nécessaire à la fabrication du bronze qui est un alliage fait d'une partie d'étain et de neuf de cuivre.


    La maitrise de la fusion du cuivre (à 1084 °C) s'était développée au VIIe millénaire en Anatolie (dans la région d'origine des Hénètes), avant de se répandre à l'ensemble du Bassin méditerranéen vers 2000 av.JC., le cuivre y étant par ailleurs abondant.
    L'étain au contraire fond à plus basse température (232 °C), il est très ductile et rend l'alliage avec le cuivre beaucoup plus dur et résistant, avec une température de fusion du mélange, le bronze, beaucoup plus facile à atteindre avec le bois comme combustible. En revanche l'étain n'est pas aussi répandu que le cuivre, et les sources d'approvisionnement en Méditerranée étaient épuisées au début du 1er millénaire.
    Le bronze peu oxydable et plus rigide que le cuivre devient rapidement un alliage à usage domestique et industriel et surtout un vecteur de suprématie militaire et l'objet de toutes les convoitises.

    On peut constater une grande diversité et une grande dispersion géographique des sites d'extraction des minerais et des sites de fonte du bronze. Cela a nécessité et entrainé une multiplication des voies maritimes et terrestres de transport des minerais, parfois sur de longues distances, sous forme de lingots d'étain, de cuivre ou de bronze. Celui-ci va devenir une monnaie d'échange pour le troc sur les voies commerciales Est-Ouest ou Nord-Sud comme la route de l'ambre entre la Baltique et l'Adriatique.
    Ces routes des métaux sont devenues stratégiques, surveillées par les peuples riverains qui prélevaient un droit de passage, en particulier dans la vallée du Rhône à l'époque de la Tène, pour rejoindre la Massilia grecque.

    La plupart des gisements d'étain se situaient aux limites occidentales les plus extrêmes du monde connu des Grecs de ces époques, la Galice au nord-ouest de l’Espagne actuelle, l’estuaire de la Loire, l’Armorique et la Cornouaille en Grande-Bretagne.

     

    Les Vénètes

     


    Pour les Grecs, l'étain provenait de l'archipel mythique des Iles Cassiterides (6).
    Il n'y avait pas de voie maritime phénicienne dans l'Atlantique Nord.
    Le transport de l'étain depuis ses sites d'extraction en Bretagne jusqu'aux mers Adriatique et Tyrrhénienne empruntait la voie fluviale et terrestre du cours de la Loire depuis son embouchure vers le delta du Rhône et à travers les Alpes par le Bugey et le lac de Constance, jusqu’à la plaine du Pô.(7)
    Cette dernière région se trouvait par ailleurs au débouché méridional d’une des routes de l’ambre, autre matière très recherchée à cette époque pour ses vertus magiques.
    De la, des routes commerciales terrestres et maritimes distribuaient l’étain d’Ouest en Est à travers l’ensemble du monde méditerranéen, routes dont les Vénètes d’Armorique étaient le maillon initial incontournable.

    Ils succédaient ainsi au complexe Campaniforme de la même région depuis le Bronze Ancien, qui assurait déjà un trafic trans-Manche de l'étain avant la lettre, depuis la Cornouaille jusqu’au Continent, sur des embarcations à carcasses de bois tendues de peaux d’animaux cousues (8).

    Par cette position, ils sont devenus un des plus puissants peuples de la Gaule, avec une organisation sociale très structurée et évoluée.


    C’est d'ailleurs sans doute pour cette raison que César tenait tant à défaire leur flotte au large du golfe du Morbihan, en 56 av.JC.
    A l’issue d’un combat naval incertain qui fut finalement favorable aux galères romaines et non aux robustes voiliers ventrus à hauts bords des Vénètes, César fit exécuter les membres du Sénat et déporta femmes et enfants en esclavage (9).

    Les Namnètes, peuple cousin des Vénètes, étaient installés sur l’embouchure de la Loire, dans le Pays Nantais auquel ils ont donne leur nom.

    Le devenir ultérieur des peuples Vénètes de l’Adriatique comme de Bretagne a été marqué par un isolement géographique qui a du contribuer a une relative endogamie, favorisant la résurgence de certains gènes délétères aux temps historiques plus récents.


    Les Vénètes de Gaule occupaient approximativement le territoire du Morbihan actuel, et sans doute une partie de la Loire-Atlantique, la région de Guérande.
    Les Vénètes de l’Adriatique ont du se réfugier au Ve siècle de notre ère sur les ilots insalubres de la lagune vénitienne ou régnait la malaria pour y fonder Venise, ils échappaient ainsi aux hordes barbares des Wisigoths et des Huns.

     

     

    (1) J.L. HEBERT, N. HEBERT, Y. LECARPENTIER: "Histoire des Vénètes, histoire de la diffusion de la dysplasie ventriculaire droite arythmogène (DVDA) à travers l'Europe" Réalités cardiologiques, Revues générales, 16 mars 2011.
    (2) BRIARD J. L’age du Bronze en Europe. Economie et societe, 2000-800 avant J.-C.,Editions Errance, Paris, 1997, chap. II –“Unetice, tumulus et Danube”, 23-50.
    (3) PLINE L'ANCIEN " Histoires naturelles"
    (4) VARNA Z. "Le monde Slave ancien". Cercle d'art, Paris, 1983.
    (5) LEJEUNE M. "Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres" 1990, 134 : 629-653

    (6) Il s'agissait d'un archipel de 10 îles de l'atlantique nord riches en étain (cassiteros en grec) citées par Hérodote, Strabon puis Pline l'ancien, au large de l'Ibérie, sans doute l'archipel des Açores.
    (7) VENDRYES J. "La route de l’étain en Gaule". Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, 1957 ; 101 : 204-209
    (8) ELLMERS D. "The earliest evidence for skinboats in late-Paleolithic Europe. Aspects of Maritime Archeology and Ethnography." National Maritime Museum, Greenwich. Edition Sean McGrail. 1982 ; 41-56.
    (9) CESAR; La Guerre des Gaules, livre IV


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