• LES MARQUEURS GENETIQUES HUMAINS

     

    Depuis quelques années, les techniques de séquençage rapide de l'ADN humain et également de lecture de fragments d'ADN par amplification, permettent, mois après mois, d'améliorer nos connaissances dans le domaine de la paléontologie, de la compréhension des mouvements de populations et des parentées entre celles-ci à travers les âges.

    Voici quelques éléments de biologie et de génétique simples permettant de saisir dans les grandes lignes les principes de ces analyses et ce qui permet d'apporter les nouveaux éléments à mettre en parallèle avec les données de l'archéologie traditionnelle.

     

     

     

     Les cellules somatiques (du corps) contiennent en leur noyau une information génétique sous la forme de longues molécules d'ADN condensées en chromosomes groupés par paires.


    Au moment de la formation des cellules reproductrices, ovules et spermatozoïdes, une division cellulaire s'effectue à partir d'une cellule dite germinale, au cours de laquelle les chromosomes vont se disposer de manière aléatoire vers deux pôles de cette cellule qui va se scinder en deux cellules filles.

    Chaque cellule fille, future cellule reproductrice, contiendra donc un seul exemplaire de chaque paire de chromosome, donc un seul allèle de chaque gène, cette différentiation est appelée  brassage inter-chromosomique.


    Il peut également se produire un échange réciproque de fragments de chromosome entre deux chromosomes homologues d'une paire, par enjambement, et cela avant leur séparation en deux lots ce qui rajoute un second brassage de gènes dit intra-chromosomique.

    Ce mécanisme forme des chromosomes hybrides qui mélangent des séquences de plusieurs ancêtres masculins et féminins qu'il est difficile de séparer et d'interpréter.


    Certains segments de chromosome restent toujours stables et quasi-identiques au fils des générations n'étant jamais affectés par des enjambements. De ce fait ils sont présents de manière inchangée chez de nombreux individus, et constituent ce que l'on nomme des haplogroupes et des haplotypes.


    Deux catégories d'haplogroupes sont couramment étudiées:
    Les haplotypes de l'ADN des mitochondries (mt-ADN) et ceux de l'ADN du chromosome Y des hommes (Y-ADN).

    En effet ces deux types d'ADN sont hérités sans transformation des mères par leurs enfants pour d'ADN mitochondrial, et des pères par leurs fils pour l'ADN du chromosome Y.


    L'ADN mitochondrial (ADN-mt)


    Chaque cellule renferme environ 2000 mitochondries qui produisent l'énergie cellulaire sous forme d'ATP.

    Chaque mitochondrie contient les mêmes copies de 2 à 4 molécules d'ADN de forme circulaire d'environ 16.000 paires de bases. Ces ADN leur sont propres et sont les copies  des ADN des mitochondries contenues par les seuls ovocytes et ovules, les quelques mitochondries du spermatozoïde ne sont pas transmises au moment de la fécondation.

    Ainsi chaque individu hérite toujours des mitochondries et de l'ADN mitochondrial de sa mère qui se transmet tout au long d'une lignée dite maternelle.


    Parmi les 16.000 paires de bases de l'ADN mitochondrial, une petite région de 569 bases appelée la "boucle D" est non codante et n'a pas de rôle spécifique.

    Cette très petite zone  particulièrement analysée par les généticiens, comporte deux régions dites "hypervariables" HVR1 et HVR2, où apparaissent de nombreuses mutations sous la forme de simples substitutions de bases (C pour T ou l'inverse).

    Ces mutations sont sans conséquences sur la production de protéines, mais permettent de comparer et différencier des lignées séparées (haplogroupes maternels) en fonction de la position de la mutation et de la nature de celle-ci. 


    Ainsi par exemple, l'haplogroupe V de l'ADN mitochondrial correspond à une mutation d'une seule base, le remplacement d'une Cytosine (C) par une Thymine (T) à l'emplacement 16298.


    Ces petites mutations d'une seule base sont appelées marqueurs SNP (1), ils échappent aux remaniements des chromosomes parentaux, une fois apparus ils se transmettent de génération en génération et caractérisent des groupes de personnes, véritables clans génétiques  dont on peut plus ou moins dater et localiser l'apparition.

    Un ou plusieurs marqueurs SNP définissent un Haplogroupe.


    Depuis les premières recherche de 1987  sur les mutations des chromosomes mitochondriaux humains(2) et donc des différents haplogroupes, il a été possible de définir " l'ancêtre commune la plus récente des lignées féminines humaines"   (Most Recent Commune Ancestor: MRCA ).

    Il s'agit de la femme qui portait l'ADN mitochondrial  dont sont issus tous les ADN mitochondriaux de tous les humains actuels et qui s'est ensuite diversifié par les différents mutations relevées actuellement. 

    Cette femme n'était pas la seule à son époque, mais c'est la seule à avoir eu une descendance continue de filles jusqu'à présent, toutes les autres lignées ont été interrompues par l'absence de filles ou d'enfants. A partir des taux de mutation en fonction du temps, on peut estimer que cette ancêtre (mtMRCA) vivait en Afrique il y a 150 à 170.000 ans, elle avait la peau noire et était sans doute une pygmée.



    L'ADN du chromosome Y.


    Ce chromosome est uniquement porté par les hommes, avec un chromosome X (les femmes ont 2 chromosomes X).


    Le chromosome Y est le plus petit des chromosomes, environ 58 millions de bases, trois fois moins que le X.

    La région déterminant le sexe, région SRY, représentant 90% du chromosome, ne se recombine jamais avec le X et se transmet donc en bloc sans modifications de génération en génération mais uniquement de père en fils. Il se produit toutefois deux types de mutation sur ces portions:

    •    Des mutations de type SNP par simple substitution d'une seule base, au nombre de plus de 30.000, ce qui permet de définir un grand nombre d'haplogroupes.
    •    Des mutations par des répétitions (10 à plusieurs milliers de fois) d'une séquence courte de quelques paires de bases, appelées STR(3) .  Ces STR sont caractérisés par un chiffre de localisation sur le chromosome et un second pour le nombre de répétition. (ex: DYS390:25) (DYS )(4).


    Les mutations STR sont utilisées pour définir  des haplotypes Y.

    De la même manière que pour la mt-MRCA, il a été montré que les haplotypes et haplogroupes du Y dérivent également d'une souche ancestrale africaine commune.

    Cet "ancêtre commun le plus récent du chromosome Y" (Y-MRCA) dont sont issus tous les hommes actuels est daté de -142.000 ans(5) , mais ces évaluations temporelles sont fortement fonction des estimations des taux de mutations sur les différentes portions de chromosomes et peuvent être remises en cause.

     

    Principe de construction des arbres de filiation des haplogroupes.

     

    A partir des analyses génétiques cumulées réalisées sur un grand nombre de personnes contemporaines sur les différents continents, ainsi que sur des restes fossiles reliés à toutes sortes de cultures préhistoriques, il est possible de mettre en évidence les différentes mutations SNP sur les ADN mitochondriaux puis sur ceux du chromosome Y.


    Ainsi on reconnait environ un vingtaine d'haplogroupes pour les lignées maternelles (ADN-mt).


    Les haplogroupes des lignées masculines (ADN-Y) sont beaucoup plus nombreux, plus de 300 en 2008 et des révisions sont réalisées régulièrement.
    Ceci est lié au fait que le chromosome Y est beaucoup plus grand, donc plus sujet aux mutations.

    Il renferme 57 millions de paires de bases ( contre 16 600 dans le chromosome de la mitochondrie) dont 30 600 bases susceptibles de mutation (polymorphisme SNP) contre seulement 569 bases susceptibles de polymorphisme SNP pour l'ADN-mt, sans compter les mutations par répétitions (SRP).


    On peut donc construire des arbres descendants de filiation de ces groupes, une première mutation localisée définit un premier haplogroupe, puis plus tard sur un individu une seconde mutation sur une autre localisation se rajoute à la première et définit un deuxième haplogroupe qui dérive du premier,  qui lui existe toujours, et ainsi de suite.


     

     

    Notes et sources:

    (1) SNP = Single Nucléotide Polymorphism
    (2) Cann, R., Stoneking, M., Wilson, A.C.: 1987. " Mitochondrial DNA and human evolution". Nature, 325: 31-36
    (3) STR = Short Tandem Repeats

    (4) DYS = DNA Y-unique Sequence
    (5) Cruciani, F. et al. 2011. "A revisited root for the human Y chromosomal phylogenetic tree: the origin of patrilineal diversity in Africa". Am. J. of Human Genetics, 88(6) 814-818.
       



















     


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